Conversation avec Cornelio Sommaruga, Président du Comité international de la Croix-Rouge

Ce texte a été prononcé par le président Vdclav Havel, au cours d'un voyage officiel au Japon, en avril 1992, devant un public d'intellectuels. À cette date, ilétait le chef de l'État tchécoslovaque dont la partition entre Tchéquie et Slovaquie n'avait pas encore eu lieu. Il a été publié à Prague, sous le titre: Projev k Japonským intelecktuálum.

Le premier numéro de Pierre d'angle s'ouvrait par un éditorial qui en proposait l'esprit et les orientations. Il nous a paru opportun, à l'occasion de cettetroisième livraison, d'approfondir sous forme d'une méditation à trois voix, et selon une thématisation plus explicite - à la fois philosophique, historienne et théologique -, les motif et les enjeux de ce dialogue de la foi avec la culture contemporaine, si difficile qu'il soit de saisir celle-ci dans son unité. Nous avons choisi de vous présenter notre démarche sous la forme d'un paradoxe..

Peu avant mon départ pour Rome, où j'allais étudier le droit canon, l'un des J frères de la communauté parla du P Thomas Plassmann qui avait l'habitudede déclarer: «les cours ne sont qu'une fraction de ce que représente une éducation romaine». Il se trouve que lëpoque de mes études allait coïncider en partie avec la restauration des fresques de Michel-Ange à la Chapelle Sixtine. L'utilisation de méthodes modernes pour restaurer des fresques du XVIe siècle suscitait la controverse. Pourtant, le nettoyage de plusieurs siècles de crasse et de suie révéla une longue procession de corps humains dans une éblouissante explosion de formes et de couleurs. À mes yeux de profone en la matière, cette vision semblait représenter une théologie très clairement franciscaine du corps humain, ce qui éveilla mon intérêt et me décida à en apprendre davantage. Je me trouvais sans cesse attiré vers la Chapelle et avide de lire tout ce qui se rapportait aux fresques. La sagesse du P Thomas allait-elle se voir confirmée?

Il est habituel de constater qu'être critique - ou professeur - ne nécessite pas d'être écrivain - c'est-à-dire de traduire dans un style une vision particulière du monde; et qu'au contraire le foit d'être romancier ou poète foit de l'écrivain un critique permanent. La critique est tenue pour une activité secondaire et, dans les pires cas, parasite ou mercantile. En bref, opposée à Lïdée d'oeuvre littéraire, elle serait inessentieLLe, non plus vision du monde mais parole de parole. L'oeuvre littéraire tend à perturber les idées rassurantes que nous nous foisons des êtres et de leur rapport au monde; la critique vise à procurer un savoir sur un texte et non sur des choses, à préciser les moyens par lesquels la littérature séduit (à détailler son fonctionnement), ou à justifier sa diversité, formelle et thématique, dans l'histoire. Si son but est ainsi de juger, de classer, d'expliquer, ces trois activités ne sont pas autonomes: une classification se déduit d'un jugement a priori. À L'informe est préféré le structuré, au dispersé le cohérent, au progressif l'achevé, au déceptif le rassurant. En bref, au vivant menacé,son simulacre immobile.